Phtalates

Phtalates

Auteur: ITERG

Article présenté ici dans le cadre du programme Olea 2020
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Les phtalates : un risque à prendre en compte dans la production des huiles alimentaires

Contexte

Les phtalates sont utilisés comme « plastifiants” dans la fabrication du PVC auquel ils confèrent une grande souplesse et flexibilité. Le Di-(2-Ethyl Hexyl)-Phtalate (DEHP) est le plus communément utilisé, puisqu’on en trouve jusqu’à 40% dans le PVC souple. Le PVC entre dans la fabrication des objets usuels les plus divers : jouets, sols de cuisine, poches de sang ou encore, emballages alimentaires. Les phtalates sont également utilisés comme additifs dans les produits cosmétiques, les produits pharmaceutiques, les encres d’impression, les enduits d’étanchéité ou les adhésifs. En raison de l’utilisation de certains dispositifs en matériau plastique, la contamination des huiles végétales par les phtalates a été identifiée comme un risque par l’industrie des corps gras. En effet, des articles parus dans la presse – comme par exemple, le rapport de la WWF sur la « chaîne de contamination : le maillon aliments » en septembre 2006 et le journal allemand Veröffentlichung Stiftung Warentest d’octobre 2005 – témoignent de la présence de di-(2-Ethyl Hexyl)-Phtalate (DEHP), de Di-iso Décyl-Phthalate (DIDP) et de Butyl-Benzyl-Phthalate (BBP) dans certaines huiles d’olive vierges, avec des teneurs pouvant dépasser quelques dizaines de mg/kg.

Données chimiques

Les phtalates font partie d’une famille de produits chimiques constitués d’un noyau benzénique et de deux groupements carboxylates générant une structure de type diester. Ils sont également appelés « esters phtaliques » car ils sont produits à partir d’une réaction entre l’acide phtalique et un alcool. Leur formule générale est présentée ci-dessous.

A température ambiante, les phtalates sont des liquides organiques visqueux et transparents. Ils sont très peu solubles dans l’eau et ont une grande affinité pour les corps gras et les alcools lourds comme le prouvent leurs coefficients de partage octanol/eau (Kow), indiqués dans le tableau suivant.

Produit Abréviation N°CAS M (g.mol-1) T° eb (°C) Log Kow

Di méthyl phtalate DMP 131-11-3 194,19

Di éthyl phtalate DEP 84-66-2 222,24 298 2,5

Di iso butyl phtalate DIBP 84-69-5 278,35

Di butyl phtalate DBP 84-74-2 278,35 340 4,6

Di n-pentyl phtalate DNPP 131-18-0 306,4

Di hexyl phtalate DHexP 84-75-3 334,5

Benzyl butyl phtalate BBP 85-68-7 312,37 370 4,8

Di n-heptyl phtalate DNHepP 3648-21-3 362,51

Di (2-ethyl hexyl) phtalate DEHP 117-81-7 390,56 385 7,5

Di n-octyl phtalate DNOP 117-84-0 390,56 390 8,1

Di iso nonyl phtalate DINP 28553-12-0 418,62 > 400 8,8

Di iso décyl phtalate DIDP 26761-40-0 446,67 > 400 8,8

Production & Utilisation

Les phtalates sont des substances principalement destinées à un usage industriel. Les plus couramment utilisés sont les BBP, DBP, DIDP, DEHP et DINP. En 2005, la production européenne de phtalates est estimée à environ 1 million de tonnes, dont 90 % sont utilisés pour plastifier le PVC. Le DEHP représente environ 50 % de la production totale des phtalates, même si cette proportion évolue à la baisse. La production de BBP et DBP représente environ un dixième de celle du DEHP. La principale utilisation des phtalates est liée à leurs propriétés plastifiantes et pour certains produits d’usage courant, ils peuvent représenter jusqu’à 50 % du poids du produit comme c’est le cas pour les sacs plastiques, les emballages alimentaires, les jouets des enfants, les poches de stockage des produits sanguins. En plus faible quantité, les phtalates sont également présents dans de nombreux objets de la vie quotidienne : les matériaux de construction (ex. cadres pour fenêtres, revêtements au sol en vinyle, tuyaux, rideaux de douche, colles et adhésifs, lubrifiants, fils et câbles électriques), les produits cosmétiques (ex. parfums, déodorants, shampoings), les produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux, les détergents, les objets plastifiés (ex. couvertures, nappes, vêtements, ballons)…

Toxicité & Exposition

Les phtalates ne sont irritants ni pour la peau, ni pour les yeux, ni pour les voies respiratoires et ne sont pas allergisants. Dans l’environnement ils sont généralement rapidement métabolisés. De plus, aucun effet d’accumulation n’a été reporté dans la chaîne alimentaire contrairement à d’autres contaminants (par exemple les PCB) ; chaque maillon de la chaîne éliminant tout ou partie des phtalates. L’administration répétée de phtalates chez le rongeur a mis en évidence un potentiel carcinogène, toutefois, cet effet métabolique n’a pas été retrouvé chez l’Homme. En conséquence, la Directive 67/548/CEE n’a pas proposé de classification des phtalates pour leur potentiel cancérigène. Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a récemment statué de façon identique en ne retenant pas le caractère carcinogène des phtalates chez l’Homme. L’administration répétée de phtalates chez le rongeur (rat et souris) a mis en évidence des effets sur la reproduction, incluant une baisse de la fertilité, une atrophie testiculaire, une réduction du poids du fœtus, une mortalité et un risque de malformation important. Aux Etats-Unis, le « Center for the Evaluation of Risks to Human Reproduction » a évalué l’impact des phtalates sur la reproduction (octobre 2000). De leurs conclusions ressortent des préoccupations sérieuses pour le DEHP, minimes pour les DINP, DIDP et DBP et négligeables pour le BBP, tant sur la fertilité que sur le développement fœtal. La Directive 67/548/CE a ainsi classé les DEHP, DBP, BBP et DIPP (Di-isoPentyl-Phtalate) comme toxiques pour la reproduction (catégorie 2-R61). Plus récemment la Commission Européenne, sur la base de 10 années de travaux scientifiques, a publié un rapport indiquant l’absence de toxicité des DINP et DIDP chez l’Homme adulte (EU Journal Officiel du 13 avril 2006). La principale source d’exposition pour le consommateur est l’ingestion. Ce phénomène est d’autant plus marqué chez l’enfant en bas âge lors de la mise en bouche de leurs jouets. C’est pourquoi les DBP, BBP, DEHP, DNOP, DINP et DIDP sont interdits dans la fabrication des articles de puériculture ou les jouets destinés aux enfants de moins de 3 ans (Directive 2005/84/CE et Décret n°2006-1361 du 9 novembre 2006). De même, la migration des phtalates présents dans les emballages alimentaires ou tout récipient de stockage constitue une source potentielle de contamination des aliments. De par la présence de phtalates dans les matériaux de construction et de revêtement induisant une contamination de l’air ambiant, le transfert aux aliments exposés à l’air est constaté, mais les teneurs reportées sont largement inférieures à 0,1 mg/kg.

Réglementation relative au contact avec des denrées alimentaires

D’après le Règlement n°10/2011 de la Commission du 14/01/2011 : « Les matériaux et objets en matière plastique ne peuvent céder leurs constituants aux simulants de denrées alimentaires en des quantités dépassant 10 mg/kg de constituants totaux par dm2 de surface destinée à entrer en contact avec des denrées alimentaires (limite de migration globale) ». Pa ailleurs le Règlement n°10/2011 spécifie que les matériaux contenant des phtalates de type DBP, DEHP, BBP, DINP ou DIDP ne peuvent être utilisés que pour des denrées non grasses, ce qui de fait interdit leur utilisation pour les denrées grasses.

Substance autorisée Limite de migration spécifique Restrictions & spécifications DBP 0,3 mg/kg à plastifiant dans des matériaux et des objets réutilisables en contact avec des denrées non grasses DEHP 1,5 mg/kg BBP 30 mg/kg à plastifiant dans des matériaux et des objets à usage unique en contact avec des denrées non grasses DINP somme = 9 mg/kg DIDP

Il n’existe pas de texte réglementaire fixant des limites maximales en phtalates dans les huiles ou matières grasses alimentaires. Par ailleurs, le 28 octobre 2008, dans le cadre de la réglementation REACH (Registration, Evaluation, Autorisation of CHemicals), l’Agence Européenne des Produits Chimiques a publié une liste des premières substances nécessitant une déclaration d’utilisation. Les DEHP, BBP et DBP sont inscrits sur cette « liste positive » ; à l’inverse, les DIDP, DINP et DNOP n’y figurent pas. Ainsi tout industriel utilisant dans ses produits (de la matière première jusqu’aux produits finis) plus de 0,1% en masse de DEHP, DBP et BBP doit clairement en faire mention. Enfin, au niveau national une proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 3 mai 2011, visant à interdire l’utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols.

Identification des risques de contamination des huiles alimentaires

Dans le cas des huiles et matières grasses alimentaires, le transfert pourrait avoir lieu lors du stockage de la matière première dans des containers plastiques en PVC (par exemple les olives avant pression) mais également lors du process et/ou du stockage des huiles. Tout matériau contenant des phtalates, lipophiles par nature, présente le risque d’induire une migration conduisant à la contamination des huiles. Exemples d’équipements susceptibles de présenter un risque « phtalates » : container, bâche, bande de convoyage, revêtement au sol, flexible, filtre, tuyau, container, bouchon & joint.

Occurrence dans les huiles et matières grasses alimentaires

Depuis 2009, l’ITERG a mis en place une étude de screening de différentes huiles et graisses végétales afin d’évaluer la présence de phtalates dans ces produits, soit par prélèvement dans le commerce, soit à partir d’échantillons envoyés par des industriels de la profession. En 2009, différents échantillons ont été sélectionnés : huiles végétales vierges (olive, colza, tournesol…), raffinées (tournesol, colza, pépins de raisin, noix, palme…), graisses concrètes et beurres en l’état (palme, karité, cacao) et hydrogénés (palme et soja), ainsi que de la matière grasse laitière anhydre. Les analyses ont été réalisées à l’ITERG avec une méthode interne basée sur une technique par SPME-GC/MS. Nos résultats ont mis en évidence que seul le DEHP est détecté dans les échantillons. La limite de quantification de ce composé a été fixée à la valeur de 0,5 mg/kg. Sur les 17 échantillons, seulement 5 présentaient une teneur en DEHP supérieure à 1 mg/kg, deux huiles vierges, deux raffinées et une huile de mélange vierge/raffinée (noix).

En 2010, il a été décidé de compléter ces données par une étude ciblée sur l’huile d’olive vierge extra (HOVE) et l’huile de noix, en réalisant un screening sur un plus grand nombre d’échantillons. Seul le DEHP conduit à des résultats quantifiables, tous les autres phtalates présentant des teneurs inférieures à la limite de quantification.

Conclusions et recommandations

➢ Les résultats des analyses de l’ITERG montrent que le risque de contamination des huiles et matières grasses alimentaires par le Di-(2-Ethyl Hexyl)-Phtalate (DEHP) n’est pas nul.

➢ Cette contamination n’est pas mise en évidence pour un type de corps gras donné mais dépend de l’utilisation des matières plastiques au contact avec les produits au cours du procédé d’obtention: de la récolte et stockage des matières premières jusqu’aux étapes de trituration, raffinage et stockage des produits finis dans le cas des huiles vierges et raffinées.

➢ Dans le cas de produits gras comme les huiles alimentaires et leurs matières premières, la réglementation européenne stipule que les matériaux en contacts doivent être exempts de Di-Butyl-Phthalate (DBP), Butyl-Benzyl-Phthalate (BBP), di-(2-Ethyl Hexyl)-Phtalate (DEHP), Di-iso Nonyl-Phthalate (DINP) et Di-iso Décyl-Phthalate (DIDP).

➢ Les opérateurs de la filière doivent en conséquence vérifier tout au long de la chaîne de production que les matériaux utilisés sont délivrés avec des certificats mentionnant l’absence de ces phtalates.

Bibliographie

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Assemblée Nationale, Treizième Législature, Rapport par M. Yvan LACHAUD, Député, fait au nom de la Commission des Affaires Sociales sur la proposition de loi visant à interdire l’utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols, enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 5 avril 2011, N° 3306. (www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r3306.asp)

Règlement (UE) n° 10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires

Assemblée Nationale, Treizième Législature, Session Ordinaire de 2010-2011, texte adopté n° 654, 3 mai 2011.

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Mentions à rechercher

Voir le règlement UE 10/2011

Voir aussi phtalates sur wikipédia

Divers logos peuvent indiquer une faible teneur en phtalates dans les matériaux plastiques, mais il est important de vérifier la compatibilité avec les huiles et graisses alimentaires. Il n’y a pas de logo particulier pour cet usage, il faut rechercher la mention Huiles alimentaires dans les listes des usages validés pour le tuyau en question, dans la fiche technique du fournisseur et dans son catalogue. En règle générale, les tuyaux contenant des phtalates durcissent lorsqu’on les utilise pour les huiles. En effet, les phtalates sont des assouplissants et lorsqu’ils partent dans l’huile, le plastique restant devient naturellement dur. C’est le signe indubitable qu’il s’agit d’un modèle de tuyau à éliminer des fournitures.

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logos à minima à rechercher

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Mentions sur emballages de tuyaux plastiques

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