Comment déguster l’huile d’olive

La dégustation de l’huile d’olive

L’activité de dégustation peut être celle d’un individu travaillant seul, ou celle des différents éléments d’un groupe, afin de conduire à l’analyse sensorielle

Un local neutre

Pour avoir de bons résultats, le dégustateur doit travailler dans des conditions reposantes qui n’affectent pas ses sens. Les odeurs doivent être totalement absentes, le bruit réduit au minimum, et l’éclairage doit être léger. Une salle bruyante par exemple, diminuera les possibilités de discrimination. Les différences paraîtront amoindries, et les attributs paraîtront plus faibles. De la même manière, un dégustateur ne devra jamais donner son avis sur une huile à l’intérieur du moulin ; les odeurs ambiantes donneront un biais très marqué à ses interprétations.

Éliminer les indices

Le dégustateur doit savoir le moins de choses possible sur l’échantillon dégusté : L’influence de l' »a priori » est extrêmement gênante en matière d’analyse sensorielle, pour les résultats immédiats ou pour la progression personnelle du dégustateur. Quel que soit l’objectif d’une dégustation en groupe, toute communication entre les dégustateurs doit être évitée pendant la dégustation ; de simples expressions de visage, ou les exclamations d’un dégustateur extraverti pourront influencer fortement les autres participants. Pour les dégustations de classification, les cabines doivent être isolées. Pour les concours, où les membres du jury sont assis à une même table, avec une série d’échantillons présentés ensemble, il est préférable que les dégustateurs dégustent dans des ordres différents, de façon à ce que personne ne sache qui déguste quoi et de façon à réduire les biais possibles dus à l’ordre des échantillons. Ce n’est que lorsque chacun aura établi son compte-rendu qu’une discussion portant sur le classement final pourra être entamée.

Une présentation identique

Un dégustateur devra toujours travailler avec une même présentation. Pour la majorité des dégustations pratiquées actuellement, c’est le matériel décrit dans le règlement CE n°2568/91 qui est utilisé (voir croquis du verre utilisé). Le verre coloré permettra au dégustateur de donner des conclusions totalement indépendantes de la couleur, ce qu’il n’aurait pas pu faire s’il avait aperçu celle-ci (cela n’empêche pas de réaliser une appréciation de la couleur par ailleurs, mais ce n’est pas le sujet de cet article). Les variations de température pouvant entraîner des changements dans l’aspect organoleptique du produit, notamment dans l’aspect olfactif, le dégustateur devra toujours travailler sur des échantillons présentés à la même température. Celle-ci est fixée dans le règlement CE n° 2568/91 à 28° C, ce qui permet de rendre accessible le maximum d’arômes, sans pour autant entraîner de déformation.

Le verre

Après contrôle manuel de la température du verre visant à détecter une panne ou une erreur de manipulation auprès du dispositif de chauffage, le dégustateur applique au verre un mouvement rotatif lent visant à répandre de l’huile sur toute la paroi interne du verre, dont l’axe est maintenu oblique entre le pouce et l’index. On évitera le mouvement d’agitation circulaire pratiqué pour la dégustation des vins et alcools, qui n’est pas du tout adapté à la viscosité de l’huile, ni au but recherché.

L’olfaction

Après avoir ôté le verre de montre, le dégustateur approchera l’ouverture du verre de son nez, et pratiquera de brèves inspirations rapides (environ 3 fois). C’est le « flairage » qui augmente énormément le débit de l’air sur la muqueuse olfactive. Le dégustateur renouvellera cette opération de « flairage » tant que la ou les odeurs dominantes ne sont pas bien identifiées. Ensuite il pourra flairer en faisant varier la distance du nez au verre. On parvient ainsi parfois à mieux décomposer les odeurs présentes, la prédominance de l’une ou de l’autre étant variable selon la distance. Sur le plan positif, on pourra ici faire une évaluation de l’intensité olfactive du fruité, ainsi qu’une identification de certains arômes particuliers qui le composent. Sur le plan négatif, l’olfaction permet de déceler la plupart des défauts, on se préparera donc, le cas échéant, à la recherche de ces défauts en bouche.

En bouche

Après une ou deux minutes de repos, le dégustateur peut procéder à l’étape suivante, consistant à analyser le produit en bouche. Il est important d’absorber toujours la même quantité d’huile, l’intensité des sensations perçues y étant fortement corrélée. Chaque dégustateur se fixera donc une quantité qu’il s’entraînera à stabiliser. De même, la forme de l’absorption est aussi à stabiliser. Il est utile, par exemple, d’absorber l’huile avec une certaine ventilation (et donc du bruit). L’air absorbé peut être immédiatement expulsé par voie rétro-nasale, et procurer ainsi des informations par cette voie avant l’élévation de la température de l’huile et son contact avec la salive, et avant l’apparition des sensations gustatives. L’analyse en bouche se poursuit par l’alternance d’aérations fortes, de brassage du mélange salive-huile, et d’aération légères. Chaque mouvement permet de fixer la recherche sur un caractère particulier. Les aérations fortes permettent d’analyser les arômes les plus volatils, parmi lesquels se trouvent souvent les arômes les plus originaux du fruité, ainsi que la plupart des défauts. Les aérations légères permettent d’apprécier l’intensité du fruité dans son ensemble (corps), et le fonctionnement de la voie rétro-nasale avec l’aération minimale permet d’étudier les arômes les plus lourds (arômes de fond). Le brassage du mélange salive-huile et la répartition de ce mélange sur toute la paroi buccale permet de dégager les sensations non aromatiques, c’est à dire gustatives ou tactiles. Dans le registre des goûts, seul l’amer peut exister dans l’huile d’olive, et les papilles qui sont adaptées à sa détection se trouvent plutôt sur l’arrière de la langue, où l’on aura soin de bien faire circuler l’huile. Les sensations tactiles concernent deux caractères : l’onctuosité et le piquant. Lorsque de nouveaux mouvements n’apportent plus rien, l’huile peut être évacuée de la cavité buccale. L’examen n’est pas fini pour autant. Avant de se rincer la bouche et pendant la disparition progressive des sensations, le dégustateur pratiquera de temps en temps la rétro-olfaction, afin d’identifier certains caractères aromatiques qui auraient pu être masqués par d’autres pendant la phase où l’huile était en bouche, mais qui présentent une grande persistance aromatique, comme le chomé et le moisi.

La série

Avant de passer à un autre échantillon, le dégustateur pourra se « nettoyer » la bouche avec ce qui lui semble le plus efficace. Généralement, il est mis à la disposition des dégustateurs des tranches de pomme, du pain et de l’eau. Après le rinçage, il est tout de même nécessaire de se reposer quelques minutes. On considère qu’un intervalle de quinze minutes est convenable afin d’aborder l’échantillon suivant en toute neutralité. Le règlement CE N° 2568/91 limite à trois le nombre d’échantillons par séance. Lire ensuite L’analyse et l’interprétation

Références

Le contenu de cette page est issu de l’article rédigé par Christian Pinatel dans la revue « Le Nouvel Olivier », N°12 de décembre 1999, intitulé « La dégustation de l’huile d’olive (partie II, La Pratique)

Bibliographie originale de l’article

Pinatel C., Analyse sensorielle et sélection variétale de l’olivier. OCL, 1997, 5, 4, 349-351.

Pinatel C., Variabilité organoleptique des huiles d’olives en fonction de la maturité et des techniques culturales. OCL, 1999, 6, 1, 90-84.

Pinatel C, Petit C, Ollivier D, Artaud J. Outils pour l’amélioration organoleptique des huiles d’olive vierges. OCL 2004 ; 11 : 217-222.