Analyse et interprétation de la dégustation huile
Dégustation: analyse et interprétation
Dans un premier temps, le dégustateur ne doit surtout pas chercher à retrouver l’huile dont il s’agit, ni même des ressemblances avec des huiles qu’il connaît. Il doit être totalement détaché de toute interprétation ou conclusion hâtive. En effet, de fausses voies peuvent être rapidement prises, et conduire à une autosuggestion : si des observations lui font penser à une huile qu’il a déjà dégustée, il risquera de poursuivre son travail en examinant ses souvenirs plutôt que l’échantillon lui-même. La solution est de se limiter à la description de l’huile dégustée, selon les attributs prévus dans la feuille de notation utilisée.
Dégustation en application de la réglementation
La finalité du travail du jury est de fournir la classification de l’échantillon selon les critères définis par la réglementation. Chacun des dégustateurs doit se représenter cette finalité, avec les conséquences qu’elles peuvent entraîner (retrait de stock, action juridique, etc…) afin d’appliquer à son travail la rigueur nécessaire. La suspicion ne suffit pas pour mentionner un défaut; celui-ci doit être identifié et évalué. Avec la diversité des terroirs et des variétés, le dégustateur doit être prêt à reconnaître tout type de fruité connu, mais aussi ouvert à tout arôme nouveau (1) . Ce n’est qu’avec la certitude que la flaveur observée ne peut pas provenir de l’olive fraîche que le dégustateur pourra éventuellement la classer en : « Autre attribut intolérable » ou « Autre défaut ». Il peut s’agir d’arômes en provenance de l’extérieur (odeurs de détergents, de fumée, etc…) ou d’arômes issus de la modification des olives ou de l’huile (fermentation, oxydations). Par ailleurs, le dégustateur se gardera de toute appréciation personnelle ; la réglementation ne prévoit rien sur la façon d’attribuer la note en fonction des qualités du produit.
(1) Qui n’a jamais entendu un individu s’exclamer « ça ne sent pas l’olive », face à l’huile issue d’une variété qui n’avait jamais fait l’objet d’une aussi bonne extraction ? Généralement, ceux qui réagissent de cette manière conçoivent l’huile d’olive comme un produit pouvant être simplement d’ un niveau de qualité plus ou moins grand, et traduisent chaque différence en niveau relatif de qualité. La diversité permet de concevoir des différences sans pour autant se placer à des niveaux qualitatifs différents, mais ce concept leur est inconnu. C’est pour cela qu’ils classent automatiquement dans une catégorie inférieure tout ce qui leur est étranger.
Dégustation d’agrément type AOC
Pour chaque produit bénéficiant d’une Appellation d’Origine Contrôlée, le profil organoleptique est défini succinctement par le texte attribuant l’Appellation, et plus précisément par les producteurs mais d’une façon empirique. Les dégustateurs doivent donc s’entraîner régulièrement et suivre l’évolution de la production concernée. La sélection devra satisfaire à la fois un taux d’acceptation compatible avec une bonne motivation des producteurs, et une sélection suffisamment rigoureuse permettant de se garantir contre toute dérive de la notoriété du produit. Les éventuels problèmes, comme l’attitude à avoir face à des produits obtenus avec des moyens technologiques nouveaux, ou une particularité du millésime, restent avant tout à la charge du syndicat de défense.
Éléments de description
Les défauts
La bonne connaissance des défauts est prioritaire dans l’acquisition d’une expérience en matière de dégustation d’huile d’olive. C’est par l’évaluation des défauts que fonctionnent les méthodes de classification relatives à la réglementation. Dans la progression vers une qualité optimale, le producteur d’huile d’olive travaillera d’abord à l’élimination des défauts, puis visera ensuite une augmentation des caractéristiques positives.
Chômé
C’est le défaut qui provient d’un stockage prolongé des olives dans des conditions favorisant l’échauffement et la fermentation anaérobie. Dans un lot d’olives ayant subi ces phénomènes, le fruité a généralement disparu, et a cédé la place au chomé, celui-ci étant plus ou moins net et intense suivant les conditions de stockage (température, durée, teneur en eau des olives). En bouche, un chômé léger peut être masqué par un fruité intense, dans le cas d’assemblages commerciaux. C’est après l’évacuation de l’huile, avec la disparition du fruité, qu’apparaîtra éventuellement le chômé. C’est avec l’ensilage que, parmi les substances courantes, le chômé présente le plus de similitudes aromatiques.
Gelé
les huiles obtenues à partir d’olives gelées fournissent une huile de qualité inférieure, ayant un indice de péroxyde élevé, se conservant mal et aux arômes spécifiques (endive cuite, pruneau). Ces particularités seront d’autant plus marquées que le temps entre le gel et la récolte est long. Par ailleurs les dégradations liées au stockage des olives seront, dans les mêmes conditions de durée et de température, plus importantes qu’avec des olives saines.
Lies
ce défaut est considéré par de nombreux dégustateurs comme le plus répugnant. Il est en effet issu d’une putréfaction se déroulant dans un milieu anaérobie, constitué de débris de parois cellulaires et d’eau. Immédiatement après obtention, la plupart des huiles présentent une turbidité non négligeable. Mise au repos, l’huile trouble ne tarde pas à former un dépôt, à partir des particules et gouttelettes d’eau en suspension. Si ce dépôt n’est pas régulièrement éliminé, les gouttelettes et les particules se regroupent pour former un milieu exempt d’huile, dans lequel peut se produire une fermentation. L’huile ne subira pas de modifications chimiques, mais captera les odeurs issues de cette putréfaction. C’est le défaut de lies, . Au nez, le défaut de lies est généralement facile à détecter et peut couvrir intégralement les arômes du fruité. L’odeur de lies peut rappeler des odeurs de beurre rance ou de fromage mal conservé (fermentation butyrique). En bouche, le défaut peut être détecté immédiatement, par voie rétro-nasale, mais cède rapidement la place, s’il n’est pas trop intense, au fruité de l’huile. On ne le retrouve généralement pas en fin de bouche.
Lorsque les huiles ne décantent pas rapidement, le phénomène de dégradation hydrolytique peut se produire sas que le dépôt se forme; c’est le surissement qui conduit au défaut de Suri.
Margines
La partie aqueuse du jus des olives n’a pas d’odeur désagréable à la sortie des centrifugeuses, mais les bassins (enfers) recevant les margines diffusent en permanence une odeur spécifique, s’imprégnant facilement dans toute substance propice (vêtements, aliments, matières grasses). Si des courants d’air mal contrôlés ramènent ces odeurs dans la salle de trituration, l’huile élaborée en est rapidement imprégnée et présentera l’odeur typique de margines, tout en pouvant présenter par ailleurs des caractéristiques chimiques normales. Avec des systèmes d’extraction peu performants ou mal réglés, des quantités d’huile non négligeables peuvent être observées en surface des bassins d’enfer. Cette huile est évidemment pourvue du défaut de margines avec une intensité extrême, et la récupérer pour la réintégrer à la production normale est une grave erreur.
Métallique
seuls les métaux non inoxydables seront susceptibles de communiquer à des huiles le défaut métallique. La provenance la plus courante de celui-ci est celle des disques en acier nécessaires à la constitution des presses. Lorsque leur utilisation n’est pas assez intensive, l’huile ayant séjourné en surface des disques peut communiquer une flaveur métallique à l’huile produite. Le défaut métallique peut être perçu à l’olfaction (rappelle le métal mouillé) puis être perçu en bouche (même sensation qu’une lame de couteau en acier non inox). Le défaut métallique peut aussi provenir de pièces en cuivre (robinets).
Moisi
A l’olfaction, le défaut de moisi est rarement intense et peut être totalement masqué avec un bon assemblage. On le détecte cependant mieux si l’huile est présentée à une température élevée (> 30° C). En bouche, le moisi apparaît très distinctement par voie rétro nasale, et cela d’autant mieux que l’on garde l’huile longtemps dans la bouche. Après avoir recraché l’huile, le goût de moisi peut persister assez longtemps et subsister au-delà de rinçages successifs, si l’intensité est importante.
Rance
C’est un défaut difficile à détecter à faible intensité. À l’olfaction, le rance est facilement masqué par les arômes du fruité. On le perçoit cependant très bien sur des échantillons non chauffés, la chaleur développant plus les arômes de fruité que les odeurs de rance. En bouche, un rance faible doit être détecté au tout début. Le dégustateur aura intérêt à aspirer un certain volume d’air en même temps que la quantité d’huile nécessaire (cette opération est bruyante) et à analyser cet air par voie rétro nasale avant que la chaleur de la bouche développe les arômes du fruité. A des intensités extrêmes, le rance peut rappeller l’huile de lin, la peinture, le vernis, mais à de faibles intensités, ce défaut peut rappeler simplement les amandes sèches, ce qui est difficile à distinguer du fruité. On peut distinguer cependant plusieurs aspects du rance : par exemple deux échantillons ayant des niveaux de rance équivalents peuvent avoir des origines différentes, l’un pouvant être une huile vieille ou mal conservée, l’autre une huile sans défauts passagèrement stockée dans un récipient mal nettoyé.
Scourtins
Les fibres synthétiques avec lesquelles sont faits les scourtins sont gustativement inertes, mais dans le cas d’une utilisation peu intensive, de nombreuses fermentations et oxydations se produisent dans ce milieu aéré très propice que constitue l’épaisseur du scourtin imprégné de jus d’olive et de débris de pulpe. La flaveur spécifique de « scourtin » rappelle à la fois le rance et la paille humide. Ainsi, le défaut “scourtins” apparaît dès que le rhythme de travail dans l’huilerie s’abaisse et que les scourtins ont une phase de repos propice à ces phénomènes de dégradation.
Ver
lorsque le taux d’olives véreuses (attaques de la mouche de l’olive, Bactrocera oleae) est important, l’huile obtenue présente une flaveur caractéristique (pouvant rappeler le vieux café) en plus des défauts rance et grossier. Par ailleurs, si une forte proportion des olives utilisées proviennent d’une récolte à terre, le rance et le grossier sont nettement plus importants, mais c’est surtout le moisi qui dominera, les olives véreuses étant les premières à tomber et donc les premières à moisir.
Vineux (Aigre, Vinaigré, Acide)
ce défaut est surtout perçu à l’olfaction et peut être parfois indécelable en bouche alors que l’intensité au nez est importante. L’impression de vinaigrette est généralement immédiate en présence du vineux. La formation d’acide acétique lors du stockage est totalement dépendante de la teneur en sucre des olives utilisées. De ce fait, certaines variétés excellentes en olives de table, notamment la Tanche, la Grossane, le Cayet-Blanc, conduisent facilement au défaut vineux si les olives subissent un stockage de quelques jours en conditions favorables à la fermentation acétique. Ce défaut a cependant l’avantage de s’atténuer avec le vieillissement de l’huile. On doit bien distinguer ce défaut de l’acidité libre de l’huile (exprimée en pourcentage d’acide oléique libre) qui n’est pas perceptible par nos sens (on peut néanmoins en faire une estimation à partir de l’observation de divers défauts organoleptiques, s’il ne s’agit pas d’assemblages).
Rassi
le défaut de rassi est principalement causé par la trituration en début de campagne dans un moulin incomplètement lavé, dans lequel subsistent des résidus de pâte de l’année précédente. Le rassi n’est pas répertorié dans la réglementation européenne et se rattache aux défauts répertoriés les plus proches, à savoir le moisi, le rance, et le défaut de margines. Bien que ce défaut ne soit pas une transformation des arômes du fruité, comme l’est le chômé par exemple, il occulte subjectivement les attributs aromatiques positifs du fruité.
Les qualités
Le Fruité
Le fruité d’une huile d’olive représente l’ensemble des arômes issu de l’olive fraîche que l’on y détecte. Les défauts en sont bien sûr exclus. Certaines huiles, dont les défauts sont prédominants, peuvent ainsi présenter une forte intensité aromatique, mais avoir un fruité quasiment inexistant, les arômes originaux du fruit ayant disparu au profit des arômes défectueux. « L’intensité » du fruité en bouche est l’évaluation par le dégustateur de l’importance totale des sensations aromatiques procurées par l’analyse en rétro-olfaction de l’huile. Il faudra faire attention à ne pas se laisser impressionner par certains arômes originaux, qui pourraient pousser le dégustateur à surestimer l’intensité du fruité. Dans le monde des huiles de table, l’huile d’olive est un cas particulier car elle est obtenue à partir d’un fruit frais et que, dans ce fruit (la drupe), l’huile est contenue dans la pulpe. On trouvera ainsi dans l’huile d’olive de nombreux arômes communs à l’olive et à d’autres fruits. La palette aromatique des huiles d’olive est d’une richesse sans commune mesure avec celle des autres huiles de table, qui sont généralement des huiles de graines, et qui par ailleurs sont le plus souvent raffinées, ce qui élimine leurs caractéristiques organoleptiques. L’utilisation d’allusions à d’autres fruits est indispensable pour préciser la nature du fruité. Évidemment, les dégustateurs expérimentés peuvent directement faire référence à leur connaissance en matière d’huile (ex : arôme de Tanche, de Picholine), mais généralement, la référence à des fruits d’autres espèces que l’olivier est très utile. On évitera l’attitude extrême, qui consiste à retrancher du fruité les arômes identifiés et assimilés à d’autres fruits; ce qui pourrait avoir pour conséquence d’obtenir des intensités de fruité différentes d’un dégustateur à l’autre, suivant la proportion d’identifications faites parmi les arômes par chacun d’eux. L’harmonie du fruité est une valeur hédonique, que l’on peut qualifier de transposée, dans laquelle le dégustateur va exprimer, bien sûr son appréciation subjective propre, mais surtout la transposition de sa culture gustative en matière d’huile d’olive. Ainsi, ce qui est important, ce n’est pas forcément « le goût » du dégustateur, mais la connaissance qu’il a des bonnes huiles reconnues comme telles. L’évaluation de l’harmonie doit se faire uniquement sur la composition aromatique du fruité, en évitant toute influence des sensations gustatives et tactiles, ce qui est particulièrement difficile avec des huiles très amères ou très piquantes. Les récentes progressions technologiques permettent d’extraire l’huile des olives quelle que soit leur teneur en eau, en utilisant des quantités d’eau très réduites. Par ailleurs, la configuration actuelle du marché conduit la plupart des producteurs à s’organiser de façon à améliorer la qualité de leurs produits, et surtout à mettre en évidence de nouvelles caractéristiques (trituration à part de certaines variétés, d’arbres très âgés, de parcelles particulières, etc…). On peut donc observer chaque année des produits présentant des caractéristiques organoleptiques originales et parfois surprenantes, qui nous étaient inaccessibles il y a quelques années. Par ailleurs, de nombreuses productions sont réduites et écoulées sans observation organoleptique. La liste ci-contre n’est donc pas exhaustive, et ne demande qu’à être augmentée à partir de nouvelles observations.
Amande
Fréquent en arôme de fond avec de nombreuses variétés, dont l’Aglandau. Il s’agit de l’arôme des amandes au moment de la récolte, prêtes à la consommation.
Amande Fraîche
Rappelle les amandes consommées avant le dessèchement. Caractéristique des huiles de Nice.
Amande verte
Rappelle la pulpe (enveloppe verte) des amandes avant son dessèchement, très net dans les huiles de Grossane.
Artichaut
Arômes très fréquents, assez caractéristiques en général des huiles obtenues avec des olives de variété Aglandau, très intense notamment dans celles d’Aix-en-Provence.
Artichaut cru
Caractéristique des huiles de la variété Cailletier cultivée dans les Alpes-Maritimes, très intense avec la variété « Dent de verrat », mise en valeur par le Domaine de « La Pierredite » à Tourettes-sur-Loup.
Ananas
Fréquent dans les huiles de variété Picholine. Parfois signalé globalement sous la dénomination « Fruits exotiques ».
Abricot
Identifié dans des huiles de Nyons et de Haute-Provence.
Banane, banane verte
Typique des huiles de Lucques, assez courant dans les huiles de variété Bouteillan en début de maturité. Observé aussi à des niveaux très légers dans les huiles de Haute Provence et de Nyons.
Camomille
Observé dans des huiles issues de diverses variétes du Languedoc-Roussillon.
Céréales
Fréquent en arômes de fond de nombreuses huiles d’olives assez mûres, notamment italiennes.
Complexe
Les fruités de certaines huiles sont caractérisés par des ensembles aromatiques facilement identifiables par analogie avec les fruits connus et d’autres présentent peu d’arômes originaux. Des huiles de grande qualité d’une même région peuvent présenter un fruité original et facilement reconnaissable, sans qu’il soit pour autant facile d’identifier la dominance d’arômes de fruits connus. Lors d’une dégustation en groupe, chacun parviendra à identifier dans ce type d’huile un ou plusieurs arômes différents. On pourra donc préciser « fruité complexe » afin de ne pas rendre limitative la liste des arômes identifiés.
Feuille
Sensation aromatique de feuille, de bois vert, assimilée à la feuille d’olivier sans véritable fondement, significatif d’une récolte très précoce.
Fleurs
Arômes assimilés aux fleurs des arbres fruitiers courants, rarement intenses, et souvent associés à une bonne complexité.
Foin (frais)
Caractéristique des variétés Frantoio et Rougette de l’Ardèche en légère surmaturité.
Foin (sec)
Signe de surmaturité, notamment avec la variété Cailletier. Peut apparaître à la place d’autres arômes dans le cas d’huiles obtenues avec une température élevée au cours de la trituration.
Fruits rouges
Ensemble aromatique très fréquent, et de configuration multiple. Dominant dans certaines huiles d’Andalousie, où il peut présenter un aspect plus ou moins marqué en arômes de cassis. Dans les huiles françaises, on le retrouve sous forme de notes subtiles avec la variété Grossane (dominante fraise), dans des huiles de Nyons (dominante framboise), avec la variété « Petit-Ribier » (dominante framboise), avec la variété Brun (intense et complexe), avec la variété Picholine (dominante fraise).
Genêt
Peu courant, spécifique des huiles de Nice.
Herbe, herbacé
Arôme rappelant l’herbe fraîchement coupée, caractéristique de la variété Bouteillan, et fréquent dans les huiles grecques.
Mûre
Arôme du fruit de la ronce. Observé dans des huiles Corses et Italiennes
Noisette
Fréquent en arôme de fond avec les variétés Tanche, Petit-Ribier. L’arôme de noisette fraîche fait partie de la typicité des huiles de Nyons.
Noix
Fréquent en arôme de fond dans de nombreuses variétés.
Pamplemousse
Caractéristique des variétés Grossane et Broutignan.
Pâtisserie
Arôme rappelant la pâte à gâteaux.
Poire
Caractéristique de la variété Bouteillan, surtout dans le nord du Var. Souvent observé en arôme secondaire avec la variété Aglandau.
Poivre vert
Les arômes rappelant ceux du poivre vert sont assez fréquents dans les huiles de la vallée des Baux. On évitera d’utiliser le qualificatif « poivrée », qui peut porter à confusion avec le caractère « piquant », avec lequel les arômes de poivre vert n’ont pas de relation.
Pomme
Très fréquent, mais aussi très variable : les diverses variétés de pomme ont des arômes très différents. L’arôme « pomme verte » rappelant nettement la variété Granny-Smith, est caractéristique des huiles de Nyons. Les arômes de pomme sont très intenses avec les variétés Cayet-roux et Cayet-blanc.
Prune
Spécifique de la variété Picholine. Remarque : Les fruits de la variété « Vivaraise » ressemblant à la Picholine mais ne fournissant pas d’huile, présentent une odeur de prune très marquée quand on les écrase.
Tomate
Caractéristique de la variété Cayon. Rappelle plus la plante de tomate que le fruit lui-même dans les huiles de la variété Olivière. Courant avec la variété Grossane à maturité élevée. Fréquent aussi dans les huiles de la région de Grenade.
Vanille
Huile d’olives très mûres, notamment avec la variété Picholine, et dans les huiles nouvelles de la vallée des Baux
Végétal
Il ne s’agit pas d’un groupe aromatique mais plutôt d’un ensemble de sensations rappelant les végétaux frais. Cet aspect est caractéristique des huiles récemment obtenues à partir d’olives peu ou pas stockées avant la trituration et récoltées au plus tard en légère surmaturité. Absent des huiles âgées, ou issues d’olives stockées, trop mûres, ou obtenues avec une température excessive de trituration. Ne pas confondre avec les arômes herbacés.
Autres sensations aromatiques
Certaines huileries incluent dans leur processus de trituration une étape préliminaire au broyage, consistant en un stockage des olives dans des conditions appropriées et maîtrisées (notamment réduction de l’aération), visant à atténuer l’amertume et l’ardence, et/ou à favoriser l’apparition d’arômes spécifiques, en remplacement des arômes initiaux contenus dans les fruits frais, et à faire disparaître l’aspect « végétal ». Cette opération souvent pratiquée empiriquement, appelée « Garde en Grenier Volontaire » au Moulin Jean-Marie Cornille (Maussane) permet de produire des huiles aux arômes spécifiques (“Fruité Noir”) s’accordant avec certains mets typiquement méditerranéens. L’optimisation du processus complet de trituration sur le plan de la qualité organoleptique n’a donc pas pour objectif la minimisation des effets sur les caractéristiques naturelles des fruits, mais l’élaboration d’un profil conforme à une tradition et des préférences. En opposition aux huiles présentant le caractère « Végétal » (fruité vert) on utilisera le terme « fruité noir » pour différencier ces huiles. On peut y trouver les arômes suivants :
Artichaut cuit
Plus spécifique des huiles de la Vallée-des-Baux.
Bière
Sensation aromatique rappelant la fabrication de la bière.
Cacao
Rappelle le cacao noir, ou les fèves de cacao avant préparation (mais après la fermentation qui est nécessaire à l’apparition des arômes attendus du cacao). Très net avec la variété Aglandau.
Champignon, champignon de Paris
Assez courant. Particulièrement évident avec la variété Cayon.
Confiture (de fraise)
Lorsque la variété Grossane est utilisée.
Fruits confits
Arôme rappelant les fruits confits, et notamment l’orange confite.
Levain
Sensation olfactive rappelant le pain au levain, donnant une légère sensation d’acidité au nez.
Sous-bois
Odeur de sous-bois après la pluie.
Truffe
Uniquement présent dans les huiles nouvelles, notamment dans celles de la Vallée des Baux.
Vanille
Dans les huiles nouvelles de la vallée des Baux.
On notera que de nombreuses sensations se rattachent à des produits fermentés, et l’on trouve là une certaine logique, puisque les huile de “Fruité Noir” sont obtenues avec des olives ayant fermenté.
Autres cas
D’habitude, les odeurs étrangères au fruit sont considérées comme des défauts (margines, fumée, hydrocarbures). Comme toutes les matières grasses, l’huile d’olive est un excellent support pour les arômes, et peut capter toute odeur environnante. Dans certains cas particuliers de liaison au terroir, on interprètera différemment cet aspect « étranger ».
Maquis
les huiles Corses issues d’oliviers environnés de maquis et récoltées très mûres présentent souvent l’odeur du maquis, dominée par celle du ciste, très fréquent dans cette région.
Fumée
Les odeurs de fumée font en principe partie des défauts. Cependant, certains moulins anciens s’evertuent à entretenir dans leur locaux un poële à bois ou une cheminée, car pour eux cela constitue une sorte de garantie d’authenticité, les odeurs de fumée se retrouvant dans toutes les huiles de ce moulin
Caractères divers
Amer
c’est le seul goût, au sens physiologique du terme, que l’on peut trouver dans l’huile d’olive. La plupart des variétés d’olives donnent des huiles plus ou moins amères en début de saison, puis cette amertume décroît au fur et à mesure que les olives avancent en maturité. Par la suite, une huile perd de son amertume au cours de son vieillissement (l’intensité est réduite par un facteur allant de 0,7 à 0,8 en un an de stockage en bonnes conditions). L’amertume est associée à la présence d’antioxydants naturels, et les huiles amères se conservent généralement bien. La Picholine, le Brun et l’Aglandau sont des variétés pouvant donner des huiles à forte amertume, même lorsque la maturité aromatique est avancée. La Grossane ou le Cayon, ne donnent que rarement des huiles amères. Certaines variétés, dont le Bouteillan, peuvent fournir des huiles ayant des arômes herbacés très nets, sans pour autant avoir d’amertume. On veillera donc à ne pas se laisser influencer, pour l’évaluation de l’amertume, par une forte composante de verdure dans les arômes du fruité. En bouche, l’amertume est surtout perçue sur l’arrière de la langue. Afin de faire une évaluation fiable, on devra donc bien faire circuler l’huile dans toute la cavité buccale, et surtout toujours de la même manière d’un échantillon à l’autre. Dans une série d’échantillons dégustés assez rapidement, l’amertume sera perçue dégressivement (si toutes les huiles ont la même amertume, la première paraîtra normalement amère, la suivante un peu moins, ainsi de suite…).
Ardence ou piquant
C’est une sensation tactile d’irritation pouvant rappeler la brûlure de certaines épices. Comme l’amertume, le piquant diminue avec l’avancement en maturité des olives, et est associé à une action anti-oxydative. La variété Bouteillan peut fournir une huile très ardente, sans pour autant être très amère. Avec le vieillissement de l’huile, l’ardence diminue plus vite que l’amertume (intensité réduite par un facteur de 0,3 à 0,2 en un an). L’ardence doit être évaluée en bouche. On ne doit pas tenir compte, pour l’évaluation de l’intensité de cet attribut, d’un éventuel picotement en fond de gorge, même si celui-ci déclenche une toux violente. Contrairement à l’amertume, la sensation d’ardence augmente d’un échantillon à l’autre (l’irritation se cumule). La brûlure provoquée par une dégustation intensive d’huiles ardentes peut subsister plusieurs heures.
Onctuosité
C’est l’aspect alimentaire de la viscosité. Face à la plupart des autres huiles alimentaires, l’huile d’olive est dotée d’une onctuosité élevée. Par extrapolation, on considère ce caractère comme positif. L’onctuosité est difficile à mesurer en bouche. En effet, la salive étant émise essentiellement en réaction aux attributs amer et piquant, la composition du mélange huile/salive varie en fonction de l’intensité de ces derniers, et au cours de l’analyse. On doit donc essayer de conclure au plus tôt sur cet attribut. Les huiles dans lesquelles l’amer et le piquant sont intenses peuvent ainsi paraître fluides, et celles dans lesquelles ils sont absents semblent pourvues d’une viscosité supérieure (on évitera dans ce dernier cas de dire que l’huile est « grasse »!).
Mots à éviter
Afin de faire un commentaire de dégustation qui soit utile au maximum d’individus, les termes utilisés ne doivent pas être ambigus. Des mots comme « fine », « forte », « corsée », « goûteuse », ou plus imagés n’apportent rien à la description, et risquent d’entraîner au contraire une certaine confusion. Le qualificatif « douce » peut être utilisé pour la description d’huile au grand public, mais n’a pas lieu d’être dans une grille descriptive, puis qu’il signifie l’absence d’amertume et de piquant et que ces termes sont généralement évalués. Il peut par ailleurs y avoir confusion avec certains arômes rappelant des choses qualifiées habituellement de douces (fruits mûrs, pâtisseries), ou avec la sensation sucrée, inexistante dans l’huile.
Classement et amélioration de la qualité
Les classifications relatives aux normes en vigueur se font simplement par l’évaluation des défauts (voir NOL N°7/99, La dégustation, partie 1). C’est le niveau général des défauts qui permet de positionner l’huile sur une échelle continue de qualité, sans aucune ambiguïté. Lorqu’on a affaire à diverses huiles qui n’ont pas de défaut, mais qui viennent par exemple de régions différentes, avec des variétés distinctes, il sera impossible de les comparer sur une échelle qualitative. On ne pourra que mettre en évidence leurs différences, pour que chacun puisse faire ses choix en fonction de ses goûts personnels. Les comparaisons sur une echelle linéaire seront de nouveau possibles si chaque huile est jugée avec à l’appui un profil type. On évaluera donc la valeur d’un échantillon en fonction de sa plus ou moins grande conformité à un idéal défini, éventuellement fictif. C’est sur cette base que l’évaluation de l’harmonie pourra perdre sa subjectivité. Comme dans les autres productions agricoles, toutes les conditions culturales conditionnent la qualité finale du produit, l’huile d’olive. La maturité des fruits lors de la récolte conditionne la plupart des caractères organoleptiques. En exemple d’application de la dégustation à l’amélioration de la qualité, nous allons voir comment appréhender les variations de profil provenant de la maturité des fruits. Sur le point de vue du profil organoleptique de l’huile, la maturité peut être considérée selon deux axes: – Les arômes constituant le fruité, – La structure, résultante de l’amer et du piquant. La maturité aromatique est évaluée à partir de la composition aromatique du fruité. Pour chaque association variété-terroir, une maturité aromatique optimale pourra être recherchée. Il s’agit de la composition aromatique où les particularités liées au terroir et à la variété sont le plus évidentes. Sur les extrémités de la plage sur laquelle l’ensemble aromatique évolue au cours de la maturité, les différentes huiles ont tendance à se ressembler. Une huile d’olives très mûres ressemblera à une autre huile d’olives très mûres, de même pour les huiles faites avec des olives très vertes. C’est au moment ou le fruité présente le plus de complexité qu’il se distingue le mieux de celui des huiles produites dans d’autres configurations, c’est la maturité aromatique optimale. Une trop forte proportion d’arômes « verts » est le signe d’une récolte en sous-maturité. Les arômes verts sont, par analogie, ceux qui évoquent des végétaux verts: l’herbe, les feuilles, etc…. La sur-maturité aromatique est signalée par la dominance d’arômes de fruits secs, de paille, de fruits confits accompagnée d’une baisse globale de l’intensité aromatique. Les arômes les plus volatils sont les premiers à disparaître, ce qui rend plus perceptible les arômes de fond, plus lourds et rarement originaux. La maturité de structure correspond à un équilibre entre l’intensité du fruité d’une part, et celles de l’amertume et de l’ardence d’autre part. Cet équilibre peut être pré-établi pour des conditions de production données, ou bien être adapté aux conditions de consommation. Il est éventuellement repéré par une valeur représentant le rapport idéal entre l’intensité du piquant ou de l’amer (à choisir suivant les variétés et les conditions de production), et l’intensité du fruité. Les valeurs comprises entre 0,2 et 0,4 correspondent aux cas généraux, on prendra des valeurs très basses pour le cas d’une huile “douce”, comme celle de “Nyons” par exemple. Les optima respectifs ne sont pas forcément situés en même temps. Les décalages varient bien sûr selon les variétés, mais aussi pour chacune d’elles en fonction du terroir, puis d’une année sur l’autre en fonction des conditions climatiques. La maturité globale est optimale quand la maturité aromatique et la maturité de structure le sont. C’est rarement le cas, et de toute façon, la récolte est étendue dans le temps. On s’arrangera alors pour la répartir sur les deux optima, pour faire ultérieurement les meilleurs assemblages possibles. Dans le cas de certaines associations variétés-terroir, fournissant une huile très amère par exemple, aucun équilibre n’est possible ; une amertume interdisant toute consommation en l’état subsiste alors que l’on est en surmaturité aromatique. L’assemblage d’huiles de variétés différentes sera dans ce cas indispensable.
L’odorat
L’odorat est le sens avec lequel la plupart des mammifères sélectionnent leur nourriture, grâce à une expérience héréditaire ou acquise. Le système olfactif est destiné à individualiser les molécules odorantes, qui provoquent chacune une réaction spécifique et fournissent des sensations discriminables qualifiées d’odeurs. Pour qu’il y ait message olfactif, il faut que les molécules odorantes viennent au contact des récepteurs olfactifs et pour cela que les corps odorants soient volatils à température ambiante. Lors du « flairage », brève inspiration rapide, l’air arrive directement dans la cavité sensorielle, ce qui permet la détection d’odeurs plus faibles qu’avec la respiration normale. L’olfaction rétro-nasale permet une analyse des molécules odorantes libérées dans la bouche, différentes de celles perçues au flairage, par le fait de l’élévation de température et du mélange avec la salive. La rétro-olfaction utilise la voie de l’expiration, en ajoutant à l’air véhiculé par la trachée-artère vers les fosses nasales de l’air en provenance de la cavité buccale et chargé de molécules odorantes. Les particularités du sens olfactif et de l’olfaction en général rendent la transcription des sensations difficiles. En effet, contrairement à l’ouïe et à la vision qui fonctionnent sur des manifestations physiques facilement mesurables et reproductibles, l’analyse qualitative et quantitative des substances odorantes ne met en évidence aucun caractère chimique qui leur soit commun, et chaque odeur est liée à une ou plusieurs molécules déterminées. Par ailleurs, le cheminement des messages sensoriels en provenance de l’épithélium olfactif rend indispensable l’utilisation d’une mémoire émotionnelle pour l’identification de nombreuses odeurs. Dans un livre qui n’a rien à voir avec la dégustation, Boris Cyrulnik (2) donne une très bonne représentation de la particularité de l’olfaction : « Les filets olfactifs qui perçoivent les molécules et en informent notre cerveau suivent un chemin particulier. Ils ne font pas relais dans la « gare de triage des informations » que constitue le noyau du thalamus, qui canalise les informations vers une zone spécialisée du cortex pour en faire une représentation. Au contraire, cette information odorante passe directement du noyau circuit de la mémoire et de l’émotion, sans aucune représentation néo-corticale. Ce qui revient à dire que notre cerveau est organisé de telle manière que, percevant une odeur, il éveille une impression diffuse mise en forme par un souvenir […]. L’homme adulte se sert de son nez pour éveiller une impression et évoquer la scène passée qui lui correspond le mieux […]. Voilà qui ne se produit jamais avec une stimulation auditive, visuelle ou tactile. » (2) Boris Cyrulnik, « La naissance du sens », Hachette Paris, 1995
Le Goût
Il est admis de longue date que le sens du goût se décompose selon la perception des quatre saveurs fondamentales que sont le sucré, le salé, l’amer et l’acide. Même si de récents travaux explorent d’autres interprétations, ce sens ne s’étend pas, du point de vue physiologique, aux perceptions aromatiques. Or, dans le langage courant, les arômes sont inclus dans le goût. En effet, il manquerait peut-être dans la langue française un terme pour certaines situations : en disant « goût de moisi », c’est physiologiquement incorrect, et en disant « arôme de moisi », c’est inhabituel. Le mot « flaveur » (3), d’origine anglo-saxonne, permet de pallier ce manque. Dans cet article, le mot « goût » est restreint au sens physiologique. Mais que cela ne nous empêche pas de parler normalement. (3) « Ensemble complexe des sensations gustatives, olfactives et trigéminales perçues au cours de la dégustation (…) » (AFNOR V 00 150) ; « Parfum d’une substance tel que perçu lors de la mise en bouche et de la mastication d’un aliment » « (Fortin J., 1998) « Les plantes offrent leurs formes diverses, qui embellissent notre monde […], à la perception de nos sens ; ainsi, comme elles ne peuvent pas connaître, elles semblent en quelque sorte vouloir être connues ». (Saint Augustin, De civ. Dei, XI, 27).
Représentation graphique
Le Triangle
Cette représentation permet de visualiser facilement les différences. Les détails se trouvent sur cette page.
Références
Le contenu de cette page est issu de l’article rédigé par Christian Pinatel dans la revue « Le Nouvel Olivier », N°12 de décembre 1999, intitulé « La dégustation de l’huile d’olive (partie II, La Pratique)
Bibliographie originale de l’article
Guide d’entraînement d’un jury de dégustation, Edisem, 1998 : FORTIN J., DESPLANCKE C.
Evaluation sensorielle, Manuel méthodologique. Collectif – Technique et documentation, Lavoisier Paris, 1990 : GULLINO A., Odeurs et saveurs, Flammarion, 1997
Précis de physiologie, tome 3, Masson, 1970 : HERMANN H., CIER J.F.
Evaluation organoleptique de l’huile d’olive vierge : COI/T.20/Doc. N° 15/rév. 1 du 20 novembre 1996
Méthodologie générale pour l’évaluation organoleptique de l’huile d’olive vierge : COI/T.20/Doc. N° 13/rév. 1 du 20 novembre 1996
Règlement CE n° 1683/92 du 29 juin 1992 modifiant le règlement CE n° 2568/91 relatif aux caractéristiques des huiles d’olive et de grignons d’olive ainsi qu’aux méthodes d’analyses y afférentes.
Règlement CE n° 2568/91 du 11 juillet 1991 relatif aux caractéristiques des huiles d’olive et de grignons d’olive ainsi qu’aux méthodes d’analyse afférentes.